DEVELOPPEMENT DURABLE
Le développement durable est une notion qui prend de plus en plus d’importance dans la société en général, ainsi que dans les politiques et les marchés publics. Le nouveau cadre légal des marchés publics (LMP et AIMP 2019) accorde une place centrale à cette notion et ses dérivés. Le développement durable figure ainsi à présent dans la liste des critères d’adjudication à prendre en considération par l’adjudicateur (art. 29 LMP). S’il convient fondamentalement de se réjouir de cette prise en compte accrue du développement durable, la mise en œuvre concrète de ceci pose d’importants défis. Le développement durable est une notion protéiforme, recouvrant des réalités, des objectifs et des outils de natures très diverses.
On constate aussi une certaine confusion parmi les maîtres d’ouvrage quant à la différence entre les critères d’adjudication et les critères d’aptitude liés à l’entreprise qui soumet une offre dans le cadre d’un marché. Dans les deux cas, un principe légal fondamental est que les critères doivent avoir un lien étroit avec la prestation ou le produit que l’on acquiert. Or, dans la pratique qui émerge depuis l’entrée en vigueur du nouveau cadre légal, on voit certains maîtres d’ouvrages publics s’écarter de cette obligation et poser des critères qui concernent les processus internes à l’entreprise et/ou sans aucun lien avec la prestation. Il en est ainsi notamment des preuves d’engagement des entreprises en faveur de tel ou tel composante du développement durable à l’interne. La notion de développement durable étant ici très floue, ces pratiques donnent lieu à des dérives et des critères d’aptitude confinant à l’absurde, à l’image de ce que prévoit le Guide romand pour les marchés publics lorsqu’il propose de considérer comme critère d’aptitude l’engagement de l’entreprise en faveur d’une alimentation saine au travail (!), ceci notamment via la mise à disposition des employés d’une corbeille de fruits[3]… ; il va sans dire que ce type de critères n’a bien évidemment aucun lien avec la prestation ou l’objet du marché public.
Le principe du lien étroit avec la prestation est rappelé dans tous les documents officiels sur le sujet depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle LMP (fiches d’information TRIAS (https://www.trias.swiss/fr/), plateforme des achats durables de la Confédération (https://www.pap.swiss/fr/), etc.). A titre d’exemple, s’agissant des critères sociaux ou écologiques[4] :
3.2.6 Critères écologiques en tant que critères d’aptitude
Dans le cadre des critères d’aptitude, il n’est possible d’encourager la durabilité que de manière limitée. C’est l’objet concret de l’achat public qui est décisif pour l’admissibilité des critères d’aptitude écologiques.
[…]
Exemple d’une exigence autorisée : certification en tant qu’entreprise spécialisée dans l’évacuation et l’élimination des matériaux pour des mandats relatifs à la gestion des déchets.
Exemple d’une exigence non autorisée : prescrire des systèmes de gestion environnementale en tant qu’instruments liés à l’organisation ayant pour but d’améliorer la globalité de la performance environnementale d’une entreprise donnée ; ces systèmes n’ont normalement aucun lien direct avec l’objet de l’adjudication, raison pour laquelle ils ne peuvent en principe pas être exigés en tant que critères d’aptitude.
3.3.4 Critères sociaux comme spécifications techniques, critères d’aptitude et critères d’adjudication
Des critères sociaux sont autorisés dans la mesure où il existe soit un lien de connexité objectif avec l’objet de l’achat public, soit une base légale formelle […]. Ainsi, p. ex., il est autorisé de fixer une exigence Fair Trade en tant que critère d’adjudication dans la mesure où cette exigence conduit à une valeur ajoutée pour le produit à acquérir.
Exemple non autorisé : savoir si une entreprise de construction donnée dispose ou non d’un système de management social ne joue aucun rôle pour déterminer son aptitude à exécuter un mandat de construction déterminé.
Face à ces dérives, constructionromande exige que la mise en œuvre des principes du développement durable dans le cadre des marchés publics se fasse de manière sérieuse, réfléchie et conforme à la loi (LMP et AIMP 2019). Dans le domaine de la construction, on parle ainsi de standards de construction, de normes de production, de technologies énergétiques ou encore de la prise en compte du coût du cycle de vie d’un objet. Si les maîtres d’ouvrage y font correctement appel, ces divers outils sont à même d’apporter une contribution significative à l’atteinte des objectifs nationaux du développement durable. Qui plus est, les entreprises suisses ont développé un savoir-faire important dans le domaine et investissent sans relâche dans la formation professionnelle et continue de la main-d’œuvre. Il est donc temps que les maîtres d’ouvrage publics valorisent ces compétences et ces standards techniques dans leurs procédures. La responsabilité de faire appel à tel ou tel standard énergétique ou norme technique incombe en effet au maître d’ouvrage (descriptif du projet).
Dans cette optique, constructionromande attend des maîtres d’ouvrage publics qu’ils travaillent main dans la main avec les associations professionnelles et les entreprises afin de définir des critères et des méthodes de mise en œuvre du développement durable qui correspondent à l’état de la technique, ambitieux quant aux objectifs à atteindre et réalistes quant à leurs outils de mise en œuvre.
[3] Guide romand pour les marchés publics : Annexe Q5 – Contribution de l’entreprise au développement durable (consulté en avril 2021)
[4] Extraits de : Conférence des achats de la Confédération CA (2021) : Achats durables – Recommandations aux services d’achat de la Confédération
Priorités
- Mise en œuvre de manière efficace dans les marchés publics du critère d’adjudication du développement durable, en privilégiant les solutions techniques et les standards de construction reconnus en Suisse et maîtrisés par les entreprises.
- Au moment de sélectionner les prestataires, renonciation par les maîtres d’ouvrage à l’utilisation de critères d’aptitude non liés à la prestation, sans fondements et sans base légale.
- Mise en place d’une collaboration efficace entre représentants des maîtres d’ouvrage publics (KBOB, DTAP, administrations cantonales, etc.) et associations professionnelles, portant sur la définition et la mise en œuvre effective des outils du développement durable (standards, normes techniques, etc.).