Distorsions de la concurrence par les entreprises publiques

Depuis quelques années, les entreprises publiques (notamment les services industriels en mains publiques) se montrent de plus en plus actives sur les marchés tant publics que privés, se retrouvant en concurrence directe avec des entreprises privées. Or, ces acteurs publics bénéficient d’avantages desquels les prestataires privés ne peuvent pas se prévaloir (monopoles, accès à des informations de fond sur le marché, etc.). Il s’agit là d’une forme de concurrence déloyale et il importe donc de mieux cadrer le champ des activités de ces entreprises qui s’écartent de plus en plus de leur rôle.

A travers leur monopole sur la distribution d’eau et d’énergie, ces acteurs publics bénéficient d’une visibilité, d’une assise et d’un accès à la clientèle sans équivalents. En étendant leurs activités aux travaux soumis à concurrence sur le marché libre (pose de panneaux solaires, de pompes à chaleur, audits énergétiques des bâtiments, etc.), ils utilisent ces atouts liés au monopole à leur avantage et évincent les entreprises privées, en particulier les PME. En jouant sur ces avantages et leur rôle prépondérant sur le marché, ils sont de plus en mesure de faire pression sur les prix. 

Une tendance parallèle émerge également : le rachat d’entreprises privées ou la prise de participations majoritaires dans ces dernières par ces acteurs publics, leur permettant en quelque sorte « d’avancer masqués ». Ainsi, on voit ces acteurs soumissionner dans le cadre des marchés publics non seulement en leur nom propre mais également via des entreprises qu’elles contrôlent. Or, ces dernières jouissent de facto des mêmes avantages. Certaines entreprises publiques de services industriels ont élevé cette pratique en réelle stratégie d’entreprise, constituant des réserves financières importantes dans l’optique de procéder à de tels rachats ou prises de participations. Ce faisant, elles s’écartent manifestement de leur rôle et des principes d’une gestion optimale de leurs ressources, assimilables à de l’argent public.

Plusieurs interventions ont été déposées aux Chambres fédérales ces dernières années, demandant des mesures pour lutter contre cette forme de concurrence déloyale. Mais face à ces demandes, on constate à la fois un manque de volonté des autorités de s’attaquer à cet enjeu mais aussi une grande frilosité du Parlement à adopter ces textes. Dans ce contexte, l’adoption en mars 2022 des motions 20.3531 et 20.3532 Pour une concurrence plus équitable avec les entreprises publiques est une excellente nouvelle et, on l’espère, une première étape sur le chemin d’un meilleur encadrement des pratiques des entités publiques.

Il importe non seulement de poser des limites clairement définies aux activités de ces entreprises, mais également de promouvoir une collaboration efficace entre les entreprises publiques en situation de monopole et les entreprises privées. Il s’agit de faire appel aux avantages de chacun. Si les entreprises publiques ont un rôle indéniable à jouer, notamment dans le cadre des politiques de transition énergétique et sous l’angle de l’information au public, les entreprises privées sont pourvoyeuses de solutions techniques efficaces et souvent novatrices. Une claire distinction des rôles est ainsi nécessaire, entre d’une part les activités de vente d’eau et d’énergie, d’information et de promotion portant sur la transition énergétique, et d’autres part les activités de chantier et d’installation, ces dernières devant rester le rôle des entreprises privées.

Il ne s’agit pas que d’une question de saine concurrence et de fonctionnement de l’économie de marché. Les entreprises privées jouent un rôle de premier plan dans les domaines de l’innovation et de la formation professionnelle notamment. Or, plus les entreprises publiques porteront préjudice aux entreprises privées en les privant de parts de marché, plus cela se traduira par un moindre investissement des entreprises privées, notamment des PME, dans ces domaines pourtant cruciaux pour l’avenir de la place économique et industrielle suisse.

r

Priorités

 

  • Lutter contre la baisse des prix excessive imposée par des entreprises publiques, qui disposent de moyens beaucoup plus importants que les autres entreprises. Il s’agit d’un abus de position dominante qui pénalise tout le système et fait disparaître les plus petits.
  • Poser un cadre et des limites claires aux activités des entreprises publiques déployées sur les marchés privés afin de lutter contre cette forme de concurrence déloyale potentielle.
  • Promouvoir la collaboration et une division des tâches plus claire entre entreprises publiques et privées, en séparant les activités de vente d’eau et d’énergie des prestations de chantier, d’installation et de maintenance.
  • Cadrer strictement les activités des entreprises publiques ou parapubliques dans le cadre des marchés publics. Il n’est pas acceptable que celles-ci abusent de leur position dominante et privilégiée pour effectuer des soumissions en concurrence avec les entreprises privées. Il s’agit là d’un enjeu de bonne gouvernance économique et de fonctionnement optimal de la concurrence. Voir également le chapitre 6 relatif à la politique de la concurrence.